L’ATELIER ATTENANT À L’ANCIENNE MAISON DE ZADKINE

Vue du nouvel accrochage, musée Zadkine, Paris Copyright photo : Pierre Antoine

[Cubisme] Ce mot me devenait de plus en plus familier. J’en trouvais de plus en plus quand j’allais chez Picasso : têtes angulaires, simplifiées, desquelles tout détail était banni. […] La Vision nouvelle, la simplification exerçaient sur moi une impression profonde que je n’expliquais guère. […]

Je commençais à chercher dans la glaise des formes « autres ». À cette époque, je laissais de côté les formes « primitives » que j’avais infligées jusqu’à ce moment à la pierre et au bois. Un petit objet que je créai et que j’appelai « Femme à l’éventail » pouvait aller de pair avec le résultat des recherches d’autres sculpteurs tels que Duchamp-Villon, Czaky, Laurens et Lipchitz. Ce petit objet, debout, était exprimé par des formes planes, angulaires, sans creux. Une autre sculpture suivit, « Le Joueur d’accordéon », debout également mais, pour la première fois, comprenant des formes convexes.

Ossip Zadkine, Le Maillet et le Ciseau, Souvenirs de ma vie, Ed. Albin Michel, 1968 

La Musicienne, La Belle Servante et Formes féminines, illustrent l’adhésion de Zadkine dans les années vingt aux principes formels du cubisme.

Dans ces œuvres, Zadkine a conservé la massivité du bloc de pierre ; les bras sont collés au corps ou la tête est même entièrement repliée sur l’épaule pour éviter toute protubérance. C’est à l’intérieur de cette masse compacte qu’il a puissamment travaillé les volumes, jouant sur l’opposition du concave et du convexe.

L’Accordéoniste [1924] marque le point le plus extrême jusqu’où le sculpteur s’est avancé dans le cubisme. La rigueur formelle de l'œuvre est déterminée par l’introduction de l'accordéon, accessoire typiquement cubiste, dont il répercute la géométrie des formes sur l’ensemble de la figure humaine, selon une très précise mécanique plastique.

Zadkine et le cubisme

La « conversion » de Zadkine au cubisme date de la création de Sculpture ou Formes féminines (1922), Formes et lumières (1922), et s’achève avec celle de La Belle Servante (1926-1928). « Je ressentais obscurément, écrit-il dans Le Maillet et le Ciseau, que ce monachisme cubiste, excluant la couleur, pétrifiait désirs et tentatives juvéniles. » Nourri des simplifications magistrales de Cézanne, des constructions primitivistes de Derain et de Picasso, le cubisme de Zadkine est surtout l’occasion de revenir à la frontalité du bloc. Une frontalité que le sculpteur anime par une géométrisation de lignes aux arêtes vives, par des inversions, des emboîtements de volumes, pleins et creux. 

Se sentant « corseté » par les règles cubistes qui réduisent la figure à une pure géométrie, Zadkine ne fut jamais un adepte radical de cette écriture. Il s’en détacha très vite, lui préférant la simplification archaïque des formes – ainsi que le montrent, la Tête de femme, en pierre ou le grand plâtre polychrome représentant la figure d’une Rebecca, dite également Grande Porteuse d’eau.
Haute de près de trois mètres, cette figure remarquable, qui fut moulée, à la fin des années vingt, à même le bois de cormier dans lequel Zadkine la tailla, restitue avec une troublante précision fil de la matière et traces d’outils. Ce plâtre, qui fait écho à la Porteuse d’eau en bois de noyer présentée dans la première salle, fut longtemps propriété du décorateur Nicolas Marc du Plantier.

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