GENÈSE

"Le Rêveur de la forêt", sept 19 - fév 20, musée Zadkine, Paris, photo R. Chipault

Le second volet de l’exposition, « genèse », explore la vie dans la forêt, biotope dont la puissance créatrice multiplie et diversifie le vivant. Le retour à la forêt signale d’abord une remontée vers l’unité originelle, le magma (Séraphine de Senlis, Arbre du Paradis, 1929 ; Bernard Réquichot, Le Reliquaire de la forêt, 1958) dont sont issues toute vie, toute création, toute forme.

Cherchant pour la première fois à puiser dans cette force de croissance et cette fertilité infinie plutôt que d’en imiter les apparences, certains artistes explorent la morphogénèse – processus de naissance des formes – les oeuvres semblant se développer spontanément comme des organismes vivants à l’instar de Jean Arp (Croissance, Feuille se reposant). D’autres s’émancipent des classifications scientifiques, tel Victor Brauner dans La Rencontre du 2 bis rue Perrel avec son Congloméros, créature hybride plongée dans la jungle du Douanier – Rousseau. Par la « fusion lumineuse du végétal et du sidéral », Marc Couturier présente grandeur nature une feuille d’aucuba glanée et redressée, sublimant ainsi dans la matière les mutations et métamorphoses dues à l’action de la photosynthèse.

Un monde complexe, mouvant, se donne à voir au-delà des contradictions. Le féminin et le masculin se confondent à la surface du tronc de l’Hermaphrodite de Zadkine.
Que ce soit chez Raoul Ubac ou Laure Prouvost, l’homme se végétalise et le végétal s’humanise. Isolant des organes féminins, ces deux artistes sèment le trouble à même les branches des arbres, et nous rappellent l’interdépendance de tous les règnes (humain, végétal, animal) : la forêt n’est pas une somme d’individus, c’est un système de liens, un milieu, un réseau.

Le dépassement des dualismes ne se perçoit pas seulement dans l’alliance ou l’hybridation. Toutes les oppositions logiques, qui fondent notre perception du monde, se trouvent balayées : dedans/dehors, comme dans les dessins de Giuseppe Penone où les yeux sont le lieu du renversement (« yeux ouverts le dehors dedans, yeux fermés le dedans dehors »).

La destruction sauvage de toute vie apparaît dans le déchaînement des éléments (Masson, L’Arbre foudroyé) autant que dans le pourrissement naturel du Fragment de Cariatide de Zadkine (1920). Mais cette destruction est la base et la condition d’une création sans cesse renouvelée.

Au temps linéaire des hommes, qui nourrit leur désir de conservation et de postérité, la forêt oppose un temps naturel cyclique, la merveille et la terreur de la mort et de la naissance mêlées. La série Kéromancie d’Hicham Berrada, où se lisent à la fois l’élan et le flux d’un métal figé dans son mouvement, plonge le spectateur dans l’ambigüité d’un saisissement de ce temps, tandis que Brotes I de Javier Perez incarne un processus de transformation perpétuelle et fantastique.

La forêt est aussi un monde sonore qu’évoquent les oeuvres immersives d’un compositeur et d’une artiste. Jean-Luc Hervé implante au sein du musée Biotope, un dispositif acousmatique craintif, créant un nouveau paysage sonore impromptu, interagissant avec le spectateur. Ariane Michel s’approprie l’atelier avec La Forêt des gestes, reconstituant par l’ouïe l’exploration d’une forêt primaire disparue.

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